LES GARANTIES AUTONOMES EN DROIT ALGERIEN

Un opérateur économique algérien passe un contrat de fourniture de biens ou de services avec un fournisseur installé à l’étranger. Le mode de règlement du prix fixé au contrat sera évidement le crédit documentaire, souvent irrévocable et confirmé, qui assurera au vendeur la meilleure des garanties d’être payé. En contrepartie, quelle est la garantie dont dispose l’acheteur de voir l’objet du contrat qu’il a conclu correctement exécuté ? Devant l’inadaptation des garanties classiques aux transactions internationales et la pression des marchés acheteurs de plus en plus exigeants, la pratique bancaire a mis au point un mécanisme de garantie d’égale efficacité à celle offerte par le crédit documentaire : il s’agit des garanties indépendantes ou autonomes ou encore à première demande. La définition qu’en donne le Professeur Jean Pierre Mattout dans son ouvrage de Droit Bancaire International est la suivante :

« La garantie à première demande est un engagement par lequel le garant, à la requête irrévocable du donneur d’ordre, accepte de payer en qualité de débiteur principal, sur simple demande, une somme d’argent à un bénéficiaire désigné, dans les termes et conditions stipulés dans la garantie, en renonçant par avance à exercer tout contrôle externe sur les conditions de mise en jeu de son engagement » .

Cette définition reprend les éléments de la garantie autonome en droit français tels qu’ils résultent de la pratique bancaire consacrée par la jurisprudence. L’originalité et la particularité de la garantie à première demande réside dans son autonomie et donc de son indépendance par rapport au contrat de base . Ainsi, la rédaction d'un acte de garantie à première demande revêt un intérêt pratique certain dans la mesure ou des lettres de garanties mal formulées peuvent engendrer des manœuvres dilatoires de la part des débiteurs, soit le contre garant soit le donneur d'ordre. Les juristes connaissent l'importance des termes utilisés dans les contrats et volontairement ou involontairement, ils peuvent nourrir l'espoir à travers les expressions choisies soit de se dérober aux obligations consignées ou simplement vouloir gagner du temps lors de la mise en jeu de la garantie. En général, lorsqu'on invoque les mentions, c’est toujours par référence à un texte légal ou réglementaire régissant la matière. Nous examinerons successivement : 1. Dans une première partie : les principales indications que doit contenir une lettre de garantie à première demande. 2. Dans une seconde partie : la position de la jurisprudence.

1ère PARTIE : LA FORMALISATION DE L’ACTE DE GARANTIE.

1. Les mentions.

1.1. Le principe du formalisme de la garantie à première demande.

Contrairement au cautionnement dont les règles sont en général énoncées dans les législations nationales (code civil en Algérie), la garantie à première demande est un pur produit de la pratique contractuelle appliquée à l’activité bancaire. De ce fait elle est régie uniquement par les termes transcris dans la lettre de garantie. Ceci signifie qu’aucune indication figurant dans un acte auquel le garant et le bénéficiaire ne sont pas partie ne leur est opposable, même si dans cet autre acte, il est spécifié qu’il s’applique à la garantie. Ce sera par exemple, le cas d’un contrat de vente qui renfermerait une clause qui subordonnerait le paiement de la garantie à la production de certains documents (cas de la sentence arbitrale), mais qui ne serait pas reprise dans l’acte de garantie. Dans cette situation, le garant ne pourrait pas l’opposer au bénéficiaire et doit accepter sa demande en paiement sans la présentation de ces documents sauf, bien sûr si la demande ne satisfait pas aux autres conditions de la garantie.

1.2. Distinction entre garantie à première demande et garantie documentaire.

La rédaction de l’acte de garantie doit pouvoir faire apparaître clairement s’il s’agit d’un engagement à première demande ou d’un engagement documentaire. La différence, il est vrai réside seulement dans la forme de leurs modalités de mise en œuvre par le bénéficiaire, mais ils doivent impliquer le même engagement inconditionnel et indépendant. La garantie à première demande est stipulée payable au bénéficiaire « sur simple et première demande » de sa part faite au garant. Il suffit de réclamer le paiement pour être en droit de l’obtenir sans avoir à remplir au préalable quelque formalité que ce soit. S’agissant de la garantie documentaire, sa mise en jeu est conditionnée par la présentation par le bénéficiaire de certains documents, destinés non à prouver, mais seulement à accréditer la légitimité de sa demande. La banque est seulement tenue, avant paiement, de vérifier « la conformité apparente » des documents présentés lors de l’appel, avec ce qui était requis aux termes de l’acte (Cela peut être une simple déclaration de la part du bénéficiaire, selon laquelle le donneur d’ordre n’a pas rempli ses obligations, comme il en est des documents établis par des experts constatant par exemple un mauvais fonctionnement du matériel…). On retrouve ces deux variantes de la garantie à première demande dans les modèles préconisés par les autorités algériennes, utilisés par nos banques et qui s’imposent aussi bien pour les opérateurs du secteur public que ceux du secteur privé.

1.3. La référence au contrat de base.

Afin d'éviter que la garantie ne soit appelée pour un contrat différent, il est indiqué de rappeler dans l’acte de garantie la référence au contrat de base. En effet, il arrive que le même donneur d'ordre soit lié par plusieurs contrats distincts avec le bénéficiaire. Dans cette situation, ce dernier serait tenté d'appeler la garantie de l'un des contrats pour couvrir l'inexécution par le donneur d'ordre au titre d'un autre contrat. La référence au contrat de base dans la garantie consistera en une simple référence générique qui est largement suffisante :

Les modèles de garantie à première demande préconisés par la pratique algérienne commencent par rappeler les références du contrat de base.

" Nous référant au contrat n° ……… du………conclu entre…………. Et……………, relatif à…………… ……………… et conformément à l'article……………… engageant ( raison sociale du contractant étranger) à la production d'une garantie de bonne exécution de(montant fixé dans la monnaie du contrat) représentant ……..% du montant du contrat."

1.4. L’irrévocabilité de l'engagement du garant.

Les garanties indépendantes sont conclues généralement pour une période déterminée; elles ne peuvent alors être résiliées avant leur date d'échéance. Certaines sont cependant conclues sans date d'échéance. Le garant ne pouvant être perpétuellement tenu, il pourrait en l'absence de stipulation contraire, décider de révoquer son engagement, avant la fin de l'exécution par le donneur d'ordre de son obligation. Certes, le bénéficiaire peut faire valoir devant les tribunaux un usage en faveur de l'irrévocabilité qui est de l'essence des garanties indépendantes. Il peut aussi profiter du préavis de résiliation pour appeler la garantie si les autres conditions de l'appel sont réunies. Il n'en demeure pas moins que beaucoup d'efforts et de longs conflits peuvent être évités si le bénéficiaire s'assure que la garantie est expressément stipulée irrévocable et, si elle ne comporte pas de date d'expiration, qu'une période suffisante de préavis avant résiliation (30 ou 60 jours par exemple) soit convenue dans la garantie.

2. L’étendue de la garantie.

2.1. La mention inhérente au montant de la garantie.

La fixation du montant de la garantie permet d'empêcher que le bénéficiaire ne vienne à réclamer au garant et celui ci au contre garant le paiement d'un montant supérieur à celui convenu, si les effets de l'inexécution par le donneur d'ordre de ses obligations se traduisent par un préjudice supérieur à la prévision des parties. Beaucoup de bénéficiaires invoquent lors des négociations le caractère d'indépendance de la garantie pour s'opposer à un réajustement éventuel du montant de la garantie au fur et à mesure de l'avancement des travaux ou des livraisons. Le résultat est qu'à un moment donné, le montant de la garantie peut se trouver disproportionné par rapport à la valeur des prestations encore dues par le donneur d'ordre. Or des clauses appropriées dans la garantie permettent de lier son montant à l'exécution du contrat sans pour autant influer sur la nature indépendante de la garantie. Ainsi, une clause d'augmentation du montant de la garantie peut se révéler particulièrement adaptée au cas où les parties ne conviendraient au départ que de certaines prestations, alors que d'autres seraient prévues à titre d'options pouvant être exercées ultérieurement. L'exercice de ces options risquerait alors d'entraîner un décalage par rapport à la couverture que procurent au bénéficiaire les garanties octroyées, ce qui fragiliserait d'autant sa position de créancier.

Aussi la garantie pourrait dès son émission contenir une indication qui spécifierait qu'au cas ou le contrat serait étendu aux options prévues à la commande, la présente garantie serait augmentée de 15% de la valeur de chacune de ces options.

2.2. Clause de réduction.

Les parties peuvent convenir à l’inverse de la réduction progressive du montant de la garantie, de façon à ramener son montant à zéro au jour ou le dernier événement convenu pour cette réduction se produit. Cette réduction diminuera le risque du donneur d'ordre. En outre, elle permettra de réduire les commissions que perçoit la banque proportionnellement au montant de son engagement. Divers mécanismes peuvent être prévus pour la réduction du montant de la garantie: La réduction peut être stipulée en fonction d'échéances calendaires convenues, sans autre rapport avec l'avancement dans l'exécution des prestations par le donneur d'ordre ou encore en fonction de la conjonction d'un fait et d'une date entraînant la réduction qui se déclenchera alors à la survenance du premier de ces deux événements. Un exemple de ce schéma est donné par la clause suivante relevée dans une garantie octroyée au profit d'une administration d'un pays d'Amérique Latine (Paraguay) :

"Nous nous engageons à garantir l'acheteur jusqu'à concurrence de montant en chiffres et lettres, étant convenu que ce montant sera réduit de pourcentage en chiffres et lettres à l'expiration d'un délai d'un an à la date d'émission de cette garantie stipulée ci - dessus, ou plus tôt dans le cas où l'usine telle que décrite dans le contrat a été délivrée conformément au contrat tel qu'attesté par un certificat de réception sans réserve signé par le bénéficiaire ."

Même si les modalités de la réduction et de l'augmentation paraissent être intimement liées à l'exécution du contrat de base, elles demeurent des modalités de paiement et sont sans influence sur la nature indépendante de la garantie.

2.3. Mention relative à la condition d'entrée en vigueur.

Le donneur d'ordre peut ordonner au garant d'émettre une garantie au profit du bénéficiaire tout en stipulant expressément qu'elle n'entrera en vigueur qu'à la survenance d'un événement donné ou d'une date convenue (condition dite "suspensive"). Le garant et le bénéficiaire doivent alors prendre en considération une distinction importante. Ainsi, dés son émission, la garantie irrévocable ne peut être rétractée quel que soit le sort du contrat de base. Par contre, elle ne peut être appelée en paiement par le bénéficiaire si la condition de son entrée en vigueur, telle que stipulée dans la garantie même, n'est pas encore survenue. La dissociation des deux actes est parfaitement possible et même recommandée dans certains cas. En effet, une garantie de restitution d'acomptes est généralement donnée par le fournisseur contre le pré paiement des travaux ou de fourniture par l'importateur. Elle a pour objet de permettre à cet importateur de pouvoir récupérer ses acomptes si des travaux ou des fournitures de valeur égale à ces acomptes ne sont pas livrés à temps. Cependant, si le fournisseur ne s'assure pas que l'entrée en vigueur de la garantie est bien conditionnée au paiement effectif des acomptes, il risque de voir sa garantie appelée en paiement alors qu'aucun acompte n'a été versé.

2.4. La mention relative aux conditions de l'appel en paiement.

En raison de son caractère autonome, les conditions d’appel de la garantie indépendante doivent figurer exclusivement dans l'acte de garantie lui-même ou dans ses amendements, et non dans un autre document même s’il est signé par le bénéficiaire (contrat de base par exemple). La demande en paiement doit être strictement conforme aux conditions stipulées dans l’acte de garantie lui même. Dans le cas de la garantie documentaire, il est utile de souligner que le rôle du garant est différent de celui de la caution car il se limite à une simple vérification apparente des documents.

2.4. L’indication de date de validité de la garantie.

Certains bénéficiaires exigent que la garantie stipule qu'elle restera valable jusqu'à la restitution de l'acte (le document) de garantie au garant. Cette pratique est inappropriée en raison d'une part que l'acte de garantie n'a aucune valeur en soi car il ne s'agit pas d'un titre au porteur (la perte ou la destruction de l'acte ne mettra pas fin en soi au droit du bénéficiaire d'appeler la garantie), et d'autre part, une telle stipulation risquerait d'engendrer des comportements abusifs qui consisteraient pour le bénéficiaire à retenir l'acte de garantie bien après la fin du contrat, prolongeant ainsi le risque d'appel en paiement et obligeant le donneur d'ordre à continuer de payer des commissions d'engagement au garant. Ainsi est il important que la garantie stipule une date (jour calendaire ou une période déterminée) ou un événement dont la survenance entraînera automatiquement son extinction et la fin du droit du bénéficiaire de présenter une demande en paiement. En cela aussi, la garantie indépendante se distingue du cautionnement. En effet, l'expiration du cautionnement n'empêche pas le bénéficiaire de présenter après cette expiration une demande en paiement à la caution, dès lors que la défaillance du débiteur cautionné est intervenue durant la période de validité du cautionnement. S'il est prévu que l'extinction de la garantie soit fonction de la survenance d'un fait, il est recommandé d'éviter des faits dont la survenance dépend uniquement de la volonté du bénéficiaire tel qu' « un achèvement des travaux conformément au contrat » selon le seul jugement du bénéficiaire. En outre, si le fait choisi est corrélé à l'exécution du contrat de base, il est recommandé de le traduire par un document dont la présentation au garant entraînera expiration de la garantie. C'est le cas par exemple d'un protocole de réception des travaux signé sans réserve par le bénéficiaire, ou de l'avis d'adjudication d'un appel d'offre au profit d'un soumissionnaire autre que le donneur d'ordre de la garantie de soumission. Enfin, une date et une cause d'expiration peuvent parfaitement être cumulées, la survenance du premier de ces deux événements entraînant alors extinction de la garantie. C'est le cas par exemple d'une garantie qui comporterait une clause d'expiration à la présentation d'un certificat de réception sans réserve et de toute façon à l'expiration d'un délai de six mois de son émission. Dans tous ces cas, la non restitution de l'acte au garant n'aura aucun effet sur la caducité de la garantie. En tout état de cause et s’agissant de la date d’échéance de la garantie, il convient de signaler que la réglementation bancaire algérienne (Règlement Banque d’Algérie n°93-02 du 03 janvier 1993 relatif à l’émission d’actes de garantie et de contre-garantie par les Banques, intermédiaires agrées) prescrit que les actes de garantie et de contre garantie doivent comporter une date de prise d’effet et une échéance. Seulement la pratique n’est toujours pas respectueuse de ces règles même si l’instruction Banque d’Algérie n°05-94 du 2 février 1994 prise en application du règlement précité a aménagé un délai de six mois au delà de la date d’échéance fixée dans l’acte de garantie pour le prononcé de la main levée. Il arrive aussi en pratique que le bénéficiaire malgré l’arrivée du terme ne libère pas la garantie arrivée à échéance en ordonnant la main levée. Cette situation a conduit la Banque d’Algérie a inviter par note du 27 octobre 1996, les banques intermédiaires agréés à mettre en place une procédure extra judiciaire qui consiste à adresser une mise en demeure aux bénéficiaires pour donner main levée de la garantie échue. A défaut de réponse du bénéficiaire, dans le délai d’un mois, la main levée de l’acte de garantie est considérée comme acquise et le garant déchargé de son obligation. Il existe cependant des cas ou le bénéficiaire n’admet pas qu’une date d’échéance ou la référence à un quelconque événement soient portés sur l’acte de garantie. C’est le cas notamment d’une instruction d’application d’une disposition de la loi des finances de 1974 relatives aux admissions temporaires qui dispose que « la caution bancaire demeure valable jusqu’à intervention de la main levée de l’engagement souscrit. Dans le document de la contre garantie, il doit être spécifié que l’engagement ne devient nul et non avenu que lors de la remise de la main levée par l’administration des douanes ».

2.5. Le droit applicable à la garantie et la juridiction compétente.

Il est important de stipuler dans la garantie et dans la contre garantie une clause de choix du droit national applicable et d’une clause attributive de juridiction. En effet, la garantie et la contre garantie étant indépendantes du contrat de base, elles ne peuvent être considérées comme étant régies par le droit applicable à ce contrat même si le donneur d'ordre et le bénéficiaire déclarent qu'il régira aussi la garantie et la contre garantie. Rien n'empêche naturellement les parties à la garantie et à la contre garantie de stipuler dans chacun de ces actes une clause de droit et de juridiction qui serait identique à celle du contrat de base. Toutefois, le garant et le contre garant éviteront généralement de stipuler dans leurs engagements respectifs une clause d'arbitrage qui serait identique à celle du contrat de base. Le but sera d'éviter en cas de litige que le différent entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire ne soit consolidé avec le différent entre le bénéficiaire et le garant ou le garant et le contre garant, pour être jugés ensemble dans une même cause devant le même tribunal. Une telle consolidation aboutirait alors nécessairement à introduire des éléments de l'exécution du contrat de base dans l'application du bien fondé de l'appel aux garanties, pourtant voulues indépendantes. Dans la pratique algérienne, la clause est ainsi rédigée :

« Tout litige né de l’exécution de la présente contre garantie sera soumis à la compétence des tribunaux algériens et à l’application de la loi algérienne », d’où l’intérêt d’examiner la position de la jurisprudence sur ce point.

2ème PARTIE : LES GARANTIES AUTONOMES DANS LA JURISPRUDENCE.

2.1. Les banques algériennes soumettent donc au droit algérien les garanties à première demande qu’elles émettent et donnent compétence au juge algérien pour le règlement des différends.

2.2. Se pose alors la question de savoir s’il existe en droit algérien des dispositions spécifiques à la garantie à première demande ? La réponse est négative car à l’instar de nombreux pays, le législateur algérien n’est pas intervenu dans cette matière en laissant aux opérateurs la liberté du libellé, sous le contrôle du juge .

2.2.1. Sans remettre en cause le principe de la liberté contractuelle de l’article 106 du code civil, le Ministère des Finances et L’ABEF ont successivement engagé des réflexions sur la rédaction des garanties à première demande dans le but d’arriver à la mise au point de modèles harmonisés pour en assurer l’autonomie par rapport au contrat de base et donc l’efficacité. Cette démarche n’a pas connu l’évolution qu’elle mérite en terme d’adaptation et d’actualisation en fonction de la diversité des situations pratiques.

2.2.2. La jurisprudence est également quasi inexistante.

La seule décision publiée dont nous disposons remonte à 1991. Dans cette affaire déjà ancienne, la section commerciale du tribunal d’Alger a été appelée à se prononcer sur le caractère autonome de la garantie à première demande. La question à trancher était de savoir si la clause compromissoire prévue au contrat de base devait être étendue aux garanties de bonne exécution et de restitution d’acompte émises par une banque algérienne de premier rang et contregaranties par une banque française.

2.2.2.1. Dans son jugement rendu le 6/07/1988, le tribunal répondit par la négative en affirmant que les garanties émises étaient autonomes, indépendantes du contrat de base et que la clause compromissoire prévue dans ce contrat de base ne leur était pas applicable.

2.2.2.2. Statuant en appel le 28/01/1991, la Cour d’Alger infirma le jugement du tribunal d’Alger au motif que « le principe général des garanties est qu’elles sont accessoires au contrat principal ».

2.2.2.3. L’absence de pourvoi en cassation dans cette affaire ne nous permet pas de connaître, hélas, l’opinion de la Cour Suprême. Nous voilà donc face à deux positions antinomiques qui rappellent la situation vécue en France dans les années soixante dix et quatre vingt.

3. Il apparaît aujourd’hui, avec du recul certes, que c’est le premier juge qui a fait une saine application de la loi car en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Alger a méconnu la réalité économique ainsi que le principe de la liberté contractuelle de l’article 106 du code civil.

3.1. Elle a tout d’abord méconnu la réalité économique dans la mesure où elle n’a pas saisi l’importance des garanties autonomes comme facteur d’équilibre entre le vendeur et l’acheteur.

3.1.1. En effet, sécuriser l’acheteur en lui offrant la possibilité de mettre en jeu à première demande la garantie qu’il détient, sans avoir à subir les exceptions tirées du contrat de base, c’était contribuer à la promotion du marché acheteur dont l’Algérie fait partie.

3.1.2. Elle a ensuite méconnu le principe de la liberté contractuelle posé par l’article 106 du code civil, équivalent algérien de l’article 1134 du code civil français. Ce principe est consacré par la Cour Suprême dans une jurisprudence constante dans des termes très clairs : Le contrat fait loi entre les parties : العقد شريعة المتعاقدين Ainsi donc, ce principe confère aux parties au contrat un droit fondamental, celui de décider librement de la nature et de la portée de leurs engagements, la seule limite en la matière étant que l’engagement ne soit pas contraire à la loi, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

3.2. S’il ne fait aucun doute que les garanties autonomes ne sont contraires ni à l’ordre public ni aux bonnes mœurs, certains auteurs ont soutenu leur illégalité pour absence de cause. Cette opinion a vécu et il est majoritairement admis aujourd’hui par la doctrine française, confirmée par la jurisprudence, que le contrat de base constitue la cause de la garantie autonome. Cette analyse est conforme au droit algérien, similaire sur ce point au droit français car la condition légale de validité des conventions relative à la cause stipulée par l’article 97 du code civil est satisfaite.

4. Pour conclure, le magistrat appelé à se prononcer sur le caractère autonome d’une garantie doit faire sienne cette recommandation que fait le professeur Jean Pierre Mattout :

« La bonne compréhension des mécanismes que la garantie indépendante met en jeu nécessite de toujours garder à l’esprit ce à quoi elle s’est historiquement substituée : un dépôt en argent ou en titres aisément négociables et non pas un cautionnement ».